Alors aime t-on pour soi ou pour le bien de l’autre ?
Aimer est-ce trouver en l’autre ce qui nous manque ? (Eros)
Si, comme le pense Platon, l’amour est désir et si le désir est manque, on peut effectivement penser qu’aimer c’est d’abord trouver en l’autre ce qui nous manque.
Éros, par sa dimension passionnelle, incarne tout à fait cette façon d’aimer. Mais, qui pourrait se plaindre que les amants se prennent mutuellement si cette union passionnée est joyeuse ? Sûrement pas eux !
Dans d’autres domaines moins irrationnels, qui pourrait par exemple reprocher à quelqu’un d’être attiré par l’ouverture d’esprit de l’autre, et cela d’autant plus qu’il serait cultivé ?
Ou sa générosité, et cela d’autant plus qu’il serait riche ?
Sauf que, comme le dit Platon, rôde bien là un « démon » que plus tard les scolastiques appelleront concupiscence !
Aimer est-ce donner à l’autre ce qui lui manque (Agapè) ?
L’amour qui donne, c’est Agapè. Dans sa forme la plus pure, Agapè donne « gratuitement », pour le simple plaisir de donner, sans attendre en retour la moindre contrepartie. Comme peuvent l’incarner les grands sages ou les grands mystiques, Agapè n’a besoin de rien si ce n’est d’aimer et donner jusqu’à se donner tout entier.
Oui mais, comme Agapè présuppose également la vacuité de l’ego, cela va sans dire que, même si Agapè apparaît au nom des « grands sentiments » comme étant la plus noble façon d’aimer, en pratique, au jour le jour, Agapè est bel et bien la forme d’amour la plus difficile à atteindre.
Il n’y a pas d’amours qui puissent tenir durablement si chacun n’y trouve son plaisir ! N’est-ce pas qu’enseigne l’amitié puisqu’elle ne peut pas vivre sans une certaine réciprocité (Philia)
La réciprocité (dès lors évidemment qu’elle n’est pas froidement comptable), c’est aussi l’affection, le souci de l’autre, l’entraide et la solidarité. N’y a-t-il pas là tout ce qu’il faut pour que chacun puisse y trouver son compte ?
Mais il paraît clair que, dans un tel contexte, Éros et/ou l’amour propre ne puissent pas faire cavalier seul et qu’ils doivent eux aussi finir par se tramer dans la complicité.
N’est-il d’ailleurs pas évident que si nous aimions « tout ce qui est », nous serions pleinement heureux ?
Aussi peut-on penser avec André Comte-Sponville qu’il faille pour être heureux d’aimer :
– Désirer un peu moins ce qui manque et un peu plus ce qui est.
– Désirer un peu moins ce qui ne dépend pas de soi et un peu plus ce qui en dépend.
– Espérer un peu moins et vouloir un peu plus (pour ce qui dépend de soi).
– Espérer un peu moins et aimer un peu plus (pour ce qui dépend de soi).
« Ne vous imaginez pas que l’Amour, pour être vrai, doit être extraordinaire. »
Mère Teresa