Qu’est-ce que souffrir d’amour ?

On peut dire d’une façon générale que la souffrance amoureuse est générée par la privation ou le manque de quelque chose dont l’égo éprouve le besoin. (Eros) Ainsi le moi pourra-t-il aussi bien souffrir de ne pas ou ne plus être aimé que de ne pas ou ne plus aimer par suite d’une rupture ou d’une inflexion du cours historique de ses identifications avec les objets aimés, qu’il en soit la victime (le subissant, l’objet) ou l’auteur (l’agissant, le sujet).

De quels types d’amour pouvons-nous souffrir ?

Petits rappels:

Eros : Est probablement le type d’amour qui expose le plus à la souffrance pour plusieurs raisons :

D’abord parce que, par nature irrationnelle, il est porteur d’illusion : On peut croire être aimé de l’autre, alors qu’on ne fait que se l’approprier (éros l’amour qui prend).

Ensuite, parce que si le désir est plus passionnel (sous-tendu par le manque) que le simple attrait du plaisir partagé, Eros peut générer un état de dépendance d’autant plus pernicieux qu’il est inconscient.

Philia : En tant qu’intermédiaire entre l’amour qui prend (Eros) et l’amour qui donne (Agapè), l’amour Philia peut exposer à la souffrance à la hauteur du dosage entre les deux types d’amour qui le trament. Toute forme d’appropriation (fusion) qui peut aussi sous-tendre les relations familliales ou amicales constituera au même motif l’assise de la souffrance en cas de rupture.

Agapè : Est, par définition même, le type d’amour duquel on ne puisse pas souffrir, puisque agapè est l’amour qui donne pour le plaisir de donner, sans rien attendre en retour.

Et l’Amour dans tout cela ?

L’amour propre, c’est l’amour de soi sous le regard de l’autre : le désir d’en être aimé, estimé, reconnu, ce qui revient au fond à n’aimer l’autre que pour soi, et souvent à ne s’aimer soi que pour l’autre. En moins primaire mais en plus large, car il va bien au-delà de l’aspect sexuel des choses, on peut voir dans l’amour propre les mêmes caractéristiques que dans Eros (l’amour qui prend ou pour le moins qui attend).

N’aimer l’autre que pour soi ou pire encore ne s’aimer soi que pour l’autre c’est fatalement en dépendre et par la même s’exposer à la souffrance liée à cette façon relativement commune d’aimer. Aussi peut-on se demander si la souffrance amoureuse, voire même la complaisance à son égard (nostalgie/romantisme), n’est pas plus souvent liée à l’amour propre qu’à l’amour de l’autre proprement dit. Eros, tout comme l’amour propre, génère la dépendance à l’autre de laquelle on peut penser que ressortent bon nombre de souffrances amoureuses.